Alain Pidoux, rotarien du club de Toulouse

Vous avez retrouvé le club de Toulouse récemment je crois ?

Questions posées au conférencier par Francis Nidecker, rotarien du club de Toulouse Ovalie, pour la lettre du Gouverneur

Oui, j’ai eu plaisir de retrouver les membres et l’ambiance du club après plusieurs années éloignées de notre belle région. Ce sont les avantages ou les contraintes d’une carrière qui vous conduit à déménager souvent et à découvrir de nouvelles personnes, de nouveaux territoires. Après 3 années toulousaines de 2012 à 2015, j’ai rejoint Paris pour une année avant de mettre le cap à l’Ouest et de commander la région de gendarmerie de Bretagne et la zone de défense et de sécurité Ouest. Au terme de ces 4 belles années, je me suis vu attribuer le poste de chef de l’IGGN. La limite d’âge de mon grade m’a conduit, à l’été 2023, à rejoindre le Lauragais et à retrouver les camarades du club très occupés par les différents rendez-vous du Centenaire.

Que retenez-vous au terme de votre carrière ?

J’avoue que la question est bien vaste et il est bien difficile de résumer en quelques mots 40 années de service ! Je peux seulement dire que le jeune élève officier de Saint-Cyr n’imaginait pas à 20 ans avoir l’opportunité d’avoir des responsabilités aussi diversifiées et de pouvoir agir concrètement pour la sécurité de ses concitoyens. Le chemin a aussi été pentu, voire escarpé, en Martinique, en Haute-Corse, même en Midi-Pyrénées. Nous sommes parfois confrontés à des crises graves et le rôle du chef est bien sûr d’être présent lors de ces phases sensibles. En fin de carrière, je rappelais aux jeunes officiers que « c’est quand la mer est bien formée que le chef doit tenir la barre » ! Je dois dire aussi que la gendarmerie m’a permis de « grandir ». L’aventure a été belle car l’immense majorité des personnels qui servent dans cette Maison sont animés de belles valeurs. Il se dégage de cette institution une réelle force collective. C’est un peu comme en rugby, on se mobilise pour conserver l’esprit et ce sens du service au public, ce supplément d’âme qui fait la différence.

J’imagine effectivement qu’il doit y avoir des moments de grande satisfaction comme des moments de grande solitude ?

C’est un bon résumé. On se souvient surtout des bons moments, des belles enquêtes, des maintiens de l’ordre au cours desquels tout se déroule sans trop de difficultés. Mais il y a aussi la violence qui ne cesse de progresser, les attentats que j’ai vécus en Corse notamment et qui vous mettent à l’épreuve, les confrontations de plus en plus violentes lors de manifestations.

La conférence a permis de mieux connaître l’IGGN. Que pouvez-vous nous dire sur cette inspection dont vous avez été le chef pendant 3 ans ?

Le directeur général de la gendarmerie nationale doit disposer d’une inspection qui lui permet d’une part de mieux maitriser les risques institutionnels, d’autre part de traiter les manquements individuels. Concrètement, il s’agit de tout mettre en œuvre pour mériter la confiance de nos concitoyens. Les gendarmes ont des prérogatives exceptionnelles et les moyens qui sont alloués doivent servir au bien commun, à la sécurité publique. Les 120 personnels de l’ IGGN conjuguent leurs efforts pour que la déontologie soit une pierre angulaire dans l’exercice du métier de gendarme.

Il m’a fallu 4 mois, à mon arrivée en 2020, pour prendre toute la mesure de mon poste et définir les leviers d’action sur lesquels je souhaitais agir. Indéniablement, la question du capacitaire était centrale : les 20 enquêteurs judiciaires de l’IGGN prennent en compte moins de 15% des saisines des magistrats. C’est trop peu même si les enquêtes les plus sensibles leur incombent, notamment lors des usages des armes mortels. Nous avions aussi un défi à relever en termes d’ouverture, de transparence. J’ai ainsi proposé la rédaction de rapports d’activité plus complets, l’intégration de personnels civils dans les équipes et un travail plus dynamique avec les chercheurs notamment du CNRS. Nous avions encore des marges de progrès pour améliorer les échanges avec les autorités administratives indépendantes, le Défenseur des Droits mais aussi le contrôle général des lieux de privation de liberté.

Ce rapport d’étonnement a été le point de départ d’évolutions structurelles majeures. Il faut bien reconnaitre que ce constat a bénéficié d’un éclairage particulier avec l’affaire Zecler » et l’indentification des 7 péchés capitaux par le ministre de l’Intérieur. Si ces dysfonctionnements concernaient essentiellement la police nationale, la gendarmerie nationale se devait de participer  à la grande réflexion qui s’est ouverte lors du « Beauvau de la Sécurité ».

Il serait bien trop long de détailler les évolutions opérées mais 2 textes majeurs ont été produits pour bien définir la direction à prendre et les étapes à réaliser : la stratégie de transformation de l’IGGN (lien pour consulter ce document) et le plan d’action déontologique de la GN.

J’évoquerai enfin mon souhait d’intégrer dans l’équipe de direction de l’IGGN un magistrat de l’ordre judiciaire, souhait qui fut effectif  à l’été 2023.  Monsieur Jean-Michel Gentil, juge à l’époque, m’a succédé depuis à la tête de l’inspection.